Le livre réalisé pour le Réseau AUXI’life est mon « deuxième bébé » de 2021, comme aime à le rappeler Frank Nataf qui m’a fait l’honneur de me proposer d’écrire les portraits de sept collaborateurs de services d’aide à domicile.
Grâce aux témoignages de ces sept professionnels passionnés par leur métier, avec mes complices Jean Larive, le photographe, et Loick Drappier, le directeur artistique, il me semble que nous avons réussi à dépoussiérer l’image de l’aide à domicile.
Un secteur qui innove, des structures qui recrutent, des métiers qui donnent du sens. J’appelle cela « un secteur d’avenir ».
… cela fait exactement deux ans que j’exerce en tant que plume freelance ?
En ce jour anniversaire, j’ai envie de partager avec vous ma joie, mon énergie et ma gratitude. Que de rencontres, de témoignages, d’interviews, de plaidoyers, d’articles, de tribunes… Bref, que de mots !
Je vais vous dire un secret.
Rien ne vaut le doux vertige qui précède la rédaction, lorsque la plume est encore en suspension.
Je remercie, bien évidemment, mes clients qui me confient tant de beaux sujets d’écriture et parfois, de défis.
En 2021, j’aimerais dire adieu
aux trois mots « celles et ceux » qui reviennent bien trop souvent et
artificiellement dans les discours et les tribunes depuis quelques années.
Je comprends tout à fait la bonne
intention de départ mais il me semble que cette surutilisation rend le procédé contre-productif.
Employé à outrance, « celles et ceux » est devenu une manière pour
l’orateur ou l’auteur de se dédouaner de toute action concrète en faveur des
femmes. Nul besoin, pour lui, d’aller plus loin en termes d’annonces et d’engagements
puisqu’il a pensé à citer les femmes, sous-entendu « c’est déjà pas
mal ! »
L’universalité du neutre masculin
à la française, en l’occurrence de « ceux » employé seul, ne me
choque pas. La règle grammaticale qui veut que le masculin l’emporte sur le
féminin est symboliquement regrettable. Toutefois, je ne crois pas qu’elle brise
à ce point l’ascension des femmes et je doute que son abolition soit en mesure
de mettre un terme à la domination masculine dans la société et au travail. Il
faut savoir rester à sa place de plume. La langue est un media, pas une fin. Le
discours est prescripteur mais il n’est pas, à lui seul, réalisateur et acteur.
En bons observateurs de l’actualité que nous sommes, nous savons que seuls les
résultats comptent. Il en va ainsi de la communication sur la stratégie
vaccinale, par exemple. Peu importe le calendrier et les objectifs chiffrés
annoncés par le gouvernement, le juge de paix sera le taux de la
population française vaccinée dans six mois.
De quoi « celles et ceux »
est-il le nom ? En premier lieu, celui de la bonne conscience à peu de
frais. Ce tic de langage s’épanouit dans la norme de la bien-pensance. Son
succès fulgurant trahit la crainte d’être taxé d’oublier les femmes, si ce
n’est d’être accusé de misogynie. C’est le principe de précaution appliqué aux
allocutions en quelque sorte.
Récemment sur Twitter, un élu
local commentait la visite d’une station d’épuration et rendait hommage à
« celles et ceux » qui font fonctionner l’usine… Au secours ! On
se demande comment les femmes ont supporté les discours auparavant. Remarquons,
au passage, que lorsqu’il s’agit de respecter le protocole, ces mêmes élus
n’ont aucune peine à citer tous les représentants et mandataires présents dans
la salle. Dans ce cas, pourquoi ne pas prendre le temps de valoriser réellement
les femmes, puisque c’est le but recherché ?
Car le risque est, au contraire,
d’appauvrir la cause défendue initialement. A l’instar de l’écriture inclusive,
critiquée par les associations en raison de sa complexité qui exclut les
personnes en situation de handicap, l’expression « celles et ceux »,
devenue locution, se trouve vidée de son sens. Le « celle » se noie
et s’efface dans le « ceux ». Retour à la case départ.
A la mort de Valéry Giscard
d’Estaing, nous avons revu les extraits du célèbre : « Bonsoir
Madame, bonsoir Mademoiselle, bonsoir Monsieur ». Un peu long mais déjà
plus incarné.
De quoi « celles et
ceux » est-il le symptôme ? Peut-être celui du ressentiment, si
bien décrit par la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury dans Ci-gît
l’amer. Soit l’obsession de l’inclusion, liée à un sentiment perpétuel
d’exclusion, qui tourne en rond et s’autoalimente, mais échoue à
responsabiliser et à « refuser l’amputation » du sujet pour sortir
d’une inégalité concrète. Or, le recours intempestif à « celles et ceux »
revient à réifier les femmes en les enfermant dans un fourre-tout mixte. Il les
prive, une fois de plus, de leur statut de sujet au lieu de les « libérer
de l’impersonnalité ». Inapte à sortir les femmes de leur condition de
femmes, cette obsession poussée à l’extrême peut sombrer dans le ridicule
absolu, tel le « Amen and A-women » entendu à l’ouverture du 117ème
Congrès américain, le 3 janvier dernier.
S’agissant de la place des femmes
dans le discours, il serait donc préférable d’opter pour l’incarnation et la
reconnaissance. Des femmes reconnues non pas en tant que femmes mais pour leur
parcours et leurs réalisations. « L’universel accueille en son sein toutes
les singularités du moment qu’elles sont prêtes à tenter l’aventure de la
sublimation », écrit encore Cynthia Fleury. Parler d’Emmanuelle
Charpentier, Prix Nobel de chimie, de Stéphanie Le Quellec, cheffe cuisinière
doublement étoilée, de Barbara Dalibard, ancienne PDG de Sita et désormais présidente
du conseil de surveillance de Michelin… est, en effet, autrement plus performatif !
Ce chemin est plus long et ardu
que l’insertion de trois mots dans un discours, tant il est facile de réduire
les femmes à leur condition. Ou à leur seul prénom, à l’image de notre première
vaccinée française : Mauricette, doublement désavantagée par son sexe et
son âge. Sur ce point, ce que nous enseigne la longue énumération de prénoms
par le Président de la République, lors de ses vœux du 31 décembre 2020, c’est
que ce procédé rhétorique conduit malencontreusement à l’anonymisation des
personnes auxquelles on souhaitait rendre hommage. En effet, Mauricette et les
autres auraient préféré sans doute entendre le Chef de l’État énoncer leur identité complète plutôt que d’être fondus
dans un prénom générique.
Dans le combat féministe, il me
semble que c’est précisément là que se situe le nerf de la guerre et le
véritable effort à fournir sur le terrain du discours. Dans le fait de nommer complètement
les personnalités-femmes et de ne jamais se résoudre à la lecture de « Une
femme au pouvoir au Malawi » dans les titres de presse, comme cela arrive
fréquemment, et pas plus tard que le 10 janvier dernier. Cette femme a un
prénom, un nom, un mandat et un engagement. Elle s’appelle Theresa
Kachindamoto. Elle est cheffe traditionnelle du district de Dedza et lutte
contre le mariage des enfants.
ou la communication politique sur la « non pénurie » de masques pendant l’épidémie de COVID-19
En communication politique, il y
a une différence entre raconter une histoire et raconter des histoires. Dans L’Art
du mensonge politique, Jonathan Swift[1]
distingue « l’action de vérité » et « l’art du mensonge ».
Bien sûr, communiquer, c’est construire un récit, se montrer sous son meilleur
jour, faire une photo de son meilleur profil. Il ne s’agit en aucune façon de
se prévaloir de la vérité vraie. On peut lire sous la plume de Machiavel[2] :
« Chacun entend assez qu’il est fort louable à un prince de tenir sa
parole et de vivre en intégrité (…) Néanmoins on voit par expérience que les
princes qui (…) ont fait de grandes choses n’ont pas tenu grand compte de leur
parole, qu’ils ont su par ruse circonvenir l’esprit des hommes, et qu’à la fin
ils ont surpassé ceux qui se sont fondés sur la loyauté. » Hanna Arendt[3] écrit à
ce sujet : « la véracité n’a jamais figuré au nombre des vertus politiques
et le mensonge a toujours été considéré comme un moyen parfaitement justifié
dans les affaires publiques. »
De mi-mars à la mi-mai 2020, le Président de la République, les membres du gouvernement et les services de l’État se sont adonnés à une communication étonnante tant la pénurie de masques était une évidence. Cela a donné lieu à une forme inédite de mensonge politique : la « communication Pinocchio », dont les répercussions se sont faites sentir jusqu’à mi-juillet : de l’obstination des ministres à ne pas montrer l’exemple au manque de rigueur des Français, au point de se résoudre à rendre le port de masque obligatoire dans les lieux publics.
Pinocchio, tu as le nez qui s’allonge
Une pénurie ? Quelle pénurie ?
La séquence a très mal commencé.
Lundi 16 mars, alors que la France entière était pendue à ses lèvres, la
Président de la République n’a jamais prononcé le mot « confinement »,
malgré un discours fleuve et des orientations qui y ressemblaient fortement. Pourtant,
les Français attendaient un mot d’ordre. Faute de consigne claire, les Français
ont été livrés à leur propre interprétation, notamment en ce qui concerne la
pratique du sport… Surtout, ne pas avoir nommé les choses a suscité la méfiance.
Dans la partition qui s’est jouée
les mois suivants, au Président la théorie et les allégories guerrières, au gouvernement
la mise en œuvre et les explications. Une répartition des rôles somme toute
classique dans la Vème République. Encore fallait-il que les explications
soient à la hauteur de la situation et cohérentes avec la réalité sur le
terrain. Force est de constater qu’en ce qui concerne les équipements de
protection, cela n’a pas été le cas, alimentant la défiance des Français à
l’égard de la gestion de la crise sanitaire.
Comme dans l’histoire de
Pinocchio, le mensonge appelle le mensonge. Pris en défaut de pénurie de
masques mais englués dans le refus de reconnaître l’évidence, Édouard Philippe, Olivier Véran, Jérôme Salomon, Sibeth
N’Diaye… se sont enlisés dans une surenchère d’arguments, jusqu’à marteler l’inutilité
des masques et l’incapacité des Français à en faire bon usage. De sorte que
chaque intervention publique était un concours d’inventivité pour cacher ce qui
sautait aux yeux, maquiller l’évidence, voire bomber un torse pourtant bien
chétif. Jonathan Swift explique qu’un relais de dupes est indispensable à
la diffusion du mensonge. « Il n’y a point d’homme qui débite et répande
un message avec autant de grâce que celui qui le croit. » Ce qui peut
expliquer cette dévotion. Mais l’escalade du mensonge peut aller trop loin. Hanna
Arendt avertit « les trompeurs commencent à s’illusionner eux-mêmes. Le
dupeur qui se dupe lui-même perd tout contact non seulement avec son public
mais avec le monde réel. »
A tel point que, le 18 mai dernier devant les caméras de BFMTV[4], le Président de la République niait encore qu’il y avait eu pénurie. Début juillet, alors que le risque de 2ème vague ne pouvait être pris à la légère, les ministres du gouvernement Castex apparaissaient encore sans masque. Résultat : jusqu’à mi-juillet, un port de masque très aléatoire dans les lieux publics. Mais, dans ces circonstances, difficile de blâmer les Français.
Une
règle d’or : la vraisemblance
Bien mentir n’est pas donné à tout le monde. « Il faut savoir colorer cette nature, être grand simulateur et dissimulateur », conseille Machiavel. Il n’est pas meilleur mensonge que celui qui repose sur un fond de vérité. Comme l’énonce Baltasar Gracian dans L’homme de cour : [le menteur] « raffine sa dissimulation en se servant de la vérité même pour tromper ». C’est le mentir vrai ou l’enfantin « c’est vrai ce mensonge ? » Dans L’Art du mensonge politique, il est rappelé une règle fondamentale, à savoir ne jamais dépasser les bornes de la vraisemblance. L’auteur « donne pour précepte de ne pas inventer des choses directement opposées » et recommande que « [les] Comètes, Baleines et Dragons soient d’une grandeur raisonnable et proportionnée ».
Or, dans l’affaire qui nous
occupe, la pénurie de masques était tellement concrète, des affichettes
« Plus de gel, ni de masque » en vitrine des pharmacies jusqu’aux
suppliques des soignants, qu’il était impossible d’être réceptif à ce discours
qui tentait de nous vendre une autre vérité. Un défaut d’autant plus criant
lorsque la plupart des pays faisait le pari du masque, avec ou sans
confinement, avec une facilité d’approvisionnement troublante.
Pire, il est concevable qu’il
faille apprendre à utiliser correctement un masque. Mais pourquoi cet
apprentissage serait-il plus difficile que celui des gestes barrières ? En
quoi les Français seraient-ils moins aptes à porter correctement le masque que
d’autres peuples ? Pour quelle raison était-il exclu d’enseigner ces
gestes via des spots publicitaires, des affiches, une campagne media… ?
Si ce n’est parce que la France n’avait pas de stock de masques.
Ironie de la langue, le mensonge des masques est un mensonge de travestissement d’une réalité matérielle (le niveau de stock). Il ne relève d’aucune des trois catégories identifiées par Swift[5] et ne semble pas avoir d’autre but que de cacher une réalité et dissimuler une responsabilité défaillante. En cela, le mensonge des masques est un cas d’école du discours politique qui prend ses distances avec le réel et les faits, l’observable et le palpable.
Dans l’Art du mensonge, on
peut lire : « le mensonge politique est (…) L’Art de convaincre le
peuple, l’art de lui faire accroire des faussetés salutaires, et cela pour
quelque bonne fin ». En l’occurrence, le salut semble avoir été moins
celui des Français que celui de l’État et des pouvoirs publics. Au contraire,
les Français ont été plus exposés au virus puisque, du fait de ce défaut
originel, ils ont longtemps rechigné à porter le masque.
« Qui
dit un mensonge en dit mille. » Proverbe français
Alors, quel était le but
recherché ? Faire oublier la pénurie de masques et de tests ? Refuser
d’assumer l’impréparation et le manque d’anticipation ? Se concentrer sur
le message Restez à la maison pour faire passer la pilule du
confinement, seule solution possible faute de masques ? Conserver un
capital-confiance déjà bien érodé par les Gilets jaunes, la réforme des
retraites… ?
Sans doute, était-ce un mélange
de craintes et de précautions. Une grande part d’orgueil aussi. Car le
mensonge des masques, c’est le mensonge de Pinocchio, celui de l’enfant acculé
refusant d’assumer sa part de responsabilité. Le mensonge est ici un réflexe de
défense pour cacher le manque de préparation de l’État et l’absence
d’anticipation du gouvernement. Pris en défaut, l’enfant commet un premier
mensonge. S’il n’avoue pas, il ment à nouveau, puis encore et encore. Le petit
mensonge devient grand. Finalement, il se voit comme le nez au milieu de la
figure.
Cette « tête de bois » de Pinocchio[6] n’écoute pas le Grillon, il s’entête dans son mensonge et fonce tout droit vers le danger. Avant d’être sauvé par la fée bleue, il finit pendu par le Renard et le Chat. En tissant le fil du mensonge, le chef de l’État et les membres du gouvernement ont perdu en crédibilité et celle-ci se perd malheureusement plus vite qu’elle ne se gagne. Dès lors, la défiance croissante des Français vis-à-vis de la gestion de crise du gouvernement ne pouvait que croître, jusqu’au dépôt de plaintes auprès de la Cour de justice de la République.
Hanna Arendt pointe du doigt le risque encouru : « poussé au-delà d’une certaine limite, le mensonge produit des effets contraires au but recherché ». Swift aussi alerte les dupeurs : « comme les Ministres se servent quelquefois de ce moyen (…), il est raisonnable que le peuple emploie les mêmes armes pour les abattre et pour se défendre lui-même ». C’est le principe de l’arroseur arrosé et, de nos jours, de la course aux fake news. L’ancienne ministre, Sibeth N’Diaye en a fait les frais. Celle qui a incarné le mensonge des masques, de par sa fonction de porte-parole du gouvernement, a payé le prix de cette mascarade lorsque ses propos ont été déformés, le 21 juin, dans l’émission Dimanche en politique sur France 3[7]. « Je ne saurais pas expliquer à mes enfants s’il est normal ou pas de jeter des pierres sur les forces de l’ordre ». La citation outrageusement tronquée a tourné en boucle dans les médias et les réseaux sociaux. Pourtant, son argumentation, aussi maladroite fut-elle, était toute autre et tout à son honneur.
Il était une fois…
Faute
avouée à moitié pardonnée
Pourtant, le gouvernement avait
le choix d’opter pour une autre communication. Encore fallait-il commencer par
un mea culpa et acter l’impréparation. Ensuite seulement, il eût été
possible d’enchaîner avec une solution rassurante, enveloppée dans un discours
enjolivé et marketé. Dans la mesure où l’anticipation avait été prise en
défaut, la marge de manœuvre consistait à réparer et rassurer en donnant à voir
la maîtrise de la situation et la capacité de décision, d’organisation et
d’action de l’État.
Une fois les compteurs remis à
zéro, le gouvernement aurait pu donner le départ d’un élan de solidarité
nationale envers les soignants et les plus fragiles, prioritaires dans l’accès
aux masques. Surtout, nos dirigeants auraient été en mesure de renverser la
tendance pour devenir les chefs d’orchestre d’une mobilisation nationale et
citoyenne : appeler les industriels à transformer leurs chaînes de
production, les collectivités à créer des ateliers et les Français confinés à
sortir leur machine-à-coudre. Des initiatives qui ont vu le jour, sans que l’État
en soit l’instigateur.
Je suis persuadée qu’une séquence
autour de « l’empowerment du peuple », à grand renfort de tutos
en boucle sur les médias sociaux et d’appels à fabriquer des masques pour leurs
voisins aurait favorisé l’adhésion des Français à la gestion de la crise par le
gouvernement. Responsabiliser les citoyens, c’est autre chose que les
infantiliser et les traiter d’incapables.
Face à une crise de cette
ampleur, les Français auraient pu pardonner les manquements, les erreurs, les
revirements. Encore fallait-il les reconnaître plutôt que mentir et s’enliser
dans un mensonge qui, de fait, a paralysé un pan crucial de la stratégie
sanitaire pour lutter contre ce virus.
A la fin du conte, Pinocchio a gagné en sérieux et en sagesse. Il est attentif aux autres et prend soin de son père. Il a gagné en humanité. Pour le récompenser, la Fée bleue le transforme en petit garçon. De ce point de vue, la popularité croissante d’Édouard Philippe jusqu’à son départ de Matignon n’était-elle pas la gratification du discours humble, prudent, détaillé et didactique du maître d’œuvre des plans de confinement puis de déconfinement ?
« Au premier rang des mesures barrières, bien sûr, le port de masque »[8]. Que de temps et de crédibilité perdus entre le début de l’épidémie et l’interview du Président de la République le 14 juillet ! Un sentiment de gâchis prévaut puisque sur le chemin glissant du mensonge, la parole politique et publique s’est un peu plus abîmée et éloignée du peuple. La preuve : les consignes ne suffisant pas, le gouvernement n’a eu d’autre choix que d’imposer le port de masque dans les lieux publics.
Références
[1]L’Art
du mensonge en politique, attribué à Jonathan Swift, a été écrit par son
ami, John Arbuthnot, médecin et auteur satirique écossais. Edition préfacée par Jean-Jacques
Courtine : « Le Mentir vrai ».
Dimanche soir, la Reine Elizabeth II s’est adressée à une audience beaucoup plus large que la population du Commonwealth. Comment expliquer la portée du Queen speech ?
Elizabeth II aurait écrit en grande partie son discours. Chapeau ! Dimanche, elle a prononcé le discours parfait.
Concis. Plus une parole est rare, plus elle est forte.
La Reine d’Angleterre ne se perd pas en développements qui diluent le propos
inutilement. Elle prend toutefois le temps de s’adresser à tous ses
publics : les familles éprouvées, les anglais déboussolés, les soignants,
les professionnels du care, tous ceux qui font tourner le pays pendant
le confinement…, à tous les territoires, à toutes les communautés et à toutes
les religions.
Humain. Peu de dirigeants accepteraient de s’effacer
pendant un tiers du discours pour donner à voir ceux qui sont sur le terrain,
ceux qui font.
Incarné. Qui peut rester insensible à l’évocation de
son premier discours à la radio en 1940 ? Nul besoin de métaphore
guerrière pour mobiliser un peuple, lui demander un effort et lui donner
courage et espoir. Pour celle qui a connu la guerre, un drame familial, des
crises économiques, un Brexit…, donner le cap d’un horizon plus clément suffit.
Dans un discours court, solennel, traditionnel dans son
expression, assez moderne dans sa forme, elle a montré le chemin à un peuple
qui en a vu d’autres et qui a su et saura se relever.
En cela, elle a parlé à tout le Monde. Elle a touché les
cœurs. The perfect speech.
[Solidarité] Sentiment d’un devoir moral envers les
autres membres d’un groupe, fondé sur l’identité de situation, d’intérêts (Définition
du LAROUSSE)
Nous traversons une crise sanitaire sans précédent depuis la
grippe espagnole. Alors que de nouvelles mesures de confinement nous demandent
à tous de faire des efforts et de savoir raison garder, ayons en tête un
mot : Solidarité. La solidarité comme fil rouge de nos quotidiens sous
quarantaine, de notre reconnaissance envers les héros évidents et invisibles en
première ligne face à l’épidémie, de notre exigence à l’heure du bilan.
L’épidémie COVID-19 montre à quel point il y a urgence à
remettre de la solidarité à tous les échelons.
A l’échelon européen : L’Union Européenne ne sortira pas indemne de la crise. Comment comprendre l’omniprésence de l’institution quand il s’agit de cadrer, normer, imposer quand on assiste à son impuissance ou son inertie à aider un pays membre : l’Italie, à anticiper et à mutualiser les moyens, notamment matériels.
A l’échelle de la France : On peut parler de civisme ou de respect. L’adoption des gestes barrières est un acte de solidarité envers nos concitoyens les plus fragiles. Oui, il est cruel de ne pas pouvoir visiter nos aînés. Oui, il est kafkaïen de nous demander de télé-travailler tout en gardant nos enfants. Oui, le flux d’information est anxiogène. Oui, le confinement rend claustrophobe. Oui, après les grèves, l’activité économique n’avait vraiment pas besoin d’une paralysie de plusieurs mois. Mais c’est une question de survie, en particulier celle des plus vulnérables. Pour le reste, le fil de nos vies reprendra bien un jour.
A l’échelle de notre système de soins : Les hôpitaux, les médecins, les infirmières et les services de secours ont lancé l’alerte depuis des mois. Ils revendiquent plus de moyens et une revalorisation des rémunérations. Solidaires par vocation, ils ne désertent pas quand ils sont en grève. De facto, ils pèsent malheureusement moins que des agents RATP. Dans la crise, ils répondent présents.
Les professionnels de l’aide à domicile et plus largement du
médico-social, qui accompagnent les personnes âgées, les personnes en situation
de handicap, les enfants et les familles en difficulté, font preuve eux aussi d’une
capacité de mobilisation exemplaire. Cela leur demande beaucoup d’abnégation
tant ils sont les oubliés des politiques publiques de gouvernement en
gouvernement.
Nous avons un devoir de solidarité envers ceux qui prennent soin de nous et de nos proches, au péril de leur santé car, jusqu’à aujourd’hui, sous-équipés en masques de protection. Aujourd’hui, nous devons entendre leur appel à « rester chez nous ». Au lendemain de l’épidémie, il faudra leur rendre ce dévouement.
Tirer les leçons de la crise, ce sera d’abord construire la
réponse sanitaire et médico-sociale de demain pour affronter ce type de
crise : virus, comme pic de vieillissement de la population. Cela veut
dire : donner véritablement des moyens à l’hôpital (et pas seulement jouer
avec les lignes budgétaires), revoir son organisation et, bien entendu,
revaloriser les salaires des personnels hospitaliers.
Ce sera construire l’accompagnement à l’autonomie de demain pour
répondre au souhait de 90 % des Français de vivre chez eux grâce à une offre de
services à domicile accessible quel que soit son revenu et son lieu
d’habitation. Qui dit offre accessible et présente sur tous les territoires dit
réévaluer les salaires à la hausse. L’enjeu : rendre attractifs les
métiers de l’accompagnement, du care, afin d’être en mesure de répondre
aux besoins.
Pour cela, il faut changer de prisme : les services d’aide à domicile sont une solution à la crise de l’hôpital et des services d’urgence et de secours. Le coronavirus montre à quel point les aides à domicile sont les sentinelles du quotidien, l’unique lien avec l’extérieur en cas de confinement, les vigies d’une dégradation de l’autonomie ou d’apparition des symptômes. Il est temps d’investir dans ce secteur pour construire la solidarité générationnelle autour de lui plutôt que de laisser les personnes fragiles ou leurs aidants familiaux dans leur solitude.
Cela passe par des moyens budgétaires et le recours à la Solidarité nationale. La création d’un 5ème risque de Sécurité sociale est nécessaire. Le risque est là. Nous en faisons l’expérience.
Le métier de plume s’apparente parfois à l’expérience de Bill Murray dans Un jour sans fin. Lorsque l’on travaille pour un Groupe, un dirigeant, un client, écrire un énième discours, édito ou communiqué est un challenge.
Pourtant, comme dans le film, la magie de l’écriture apparait : un angle nouveau, un éclairage de l’actualité qui vient renforcer l’argumentation, une figure de style qui, ce jour-là, tombe à pic : « la maison brûle », « moi, Président » … Petite confidence de plume, il m’arrive d’être étonnée par ce que j’ai rédigé.
Dans tous les cas, il y a bien in fine un texte original, pertinent dans le contexte présent et en accord avec l’état d’esprit de l’organisation et sa gouvernance.
Cette magie n’en est pas vraiment une. Comme dans l’art de l’illusion, elle est le fruit d’un travail, d’une maîtrise des mots, d’une appréhension des enjeux et d’une capacité à traduire une stratégie en arguments. Elle relève également d’une sensibilité à l’air du temps et aux inflexions du groupe ou de la personne que l’on représente. C’est bien évidemment un goût pour l’écriture.
Or, au sein d’une organisation, cette compétence et cette appétence ne sont pas forcément disponibles. Le directeur ou responsable de la communication, voire le directeur de cabinet, est souvent happé par le quotidien ou concentré sur un projet prioritaire, par affinité ou parce qu’on le lui a demandé.
C’est là qu’une plume dédiée prend tout son sens, qu’elle soit rattachée au Président ou à la communication, ou un conseil extérieur.
Pour vos prochaines tribunes ou prises de parole, laissez-vous surprendre par la magie de la plume.